Devoir d’équité de l’administration municipale : impact sur vos droits

La Ville de Montréal a un devoir d’agir équitablement à votre égard à toutes les étapes de la prise d’une décision qui vous affecte dans vos droits et privilèges. Explications sur les composantes de ce devoir pour l’OdM dont la promotion de l’équité est une partie importante de la mission.

Agir avec équité consiste à :
• Traiter une personne avec égard et respect ;
• Lui donner l’occasion de faire valoir son point de vue ; et
• Lui appliquer les règles qui gouvernent sa situation particulière, en tenant compte du contexte, raisonnablement et sans discrimination.

L’équité d’une décision comporte trois aspects complémentaires qui doivent tous être satisfaits :
• La procédure qui encadre la décision doit être équitable : l’équité procédurale.
• L’administration doit interagir avec vous de manière respectueuse et compétente : l’équité relationnelle.
• La décision rendue doit être raisonnable : l’équité sur le fond.

Vous trouverez, ci-après, un aperçu des principales composantes de chaque aspect de l’équité décisionnelle et de leur impact sur vos relations avec l’administration municipale.

Équité procédurale

L’équité procédurale correspond à votre droit d’être entendu par un décideur impartial, avant qu’une décision qui vous concerne soit rendue. Elle inclut aussi votre droit de connaître les motifs d’une décision qui vous affecte. En pratique, cela signifie que :
• Vous devez recevoir, en temps opportun, toute l’information requise pour comprendre les exigences liées à votre demande et pouvoir vous y conformer.
• Vous devez avoir l’occasion de présenter votre dossier et vos arguments.
• L’administration doit considérer sérieusement vos informations et vos arguments.
• Le décideur doit être impartial : il ne doit pas avoir de préjugés ni d’intérêt réel ou apparent dans l’issue du processus décisionnel.
• La décision doit être rendue dans un délai raisonnable.
• La décision doit être suffisamment expliquée, en termes clairs et intelligibles pour vous.
• S’il existe des recours pour contester la décision, vous devez en être informé.

La façon dont l’équité procédurale s’articule dans un dossier spécifique varie en fonction de divers facteurs. Les exigences procédurales sont directement proportionnelles, entre autres, à l’importance et aux répercussions que la décision peut avoir sur la personne visée.

L’équité procédurale peut parfois signifier que l’administration doit vous rencontrer pour discuter de vos demandes. Dans plusieurs cas, cependant, vous offrir l’opportunité de soumettre vos arguments, oralement ou par écrit, peut être suffisant.

Il en va de même pour la communication de la décision. Si le dossier est peu complexe, une réponse verbale de l’administration peut être adéquate. Dans d’autres cas, la décision devrait vous être communiquée par écrit. Qu’elle soit verbale ou écrite, les motifs de la décision doivent toujours vous être communiqués, voire expliqués.

Il arrive parfois que l’administration crée des attentes légitimes chez le citoyen quant à la procédure applicable ou à un résultat possible : le devoir d’équité procédurale peut alors requérir que l’administration adapte son approche pour tenir compte de ces attentes qu’elle a créées. Toutefois, cela ne signifie pas qu’elle doit accorder au citoyen ce qu’il demande.

Équité relationnelle

L’équité relationnelle, c’est le côté humain. Elle s’apprécie dans la façon dont vous êtes traité par les représentants de l’administration et dans votre perception d’avoir été écouté. C’est un aspect très important pour que vous ayez confiance dans le processus décisionnel.
L’équité relationnelle exige des communications claires, diligentes, courtoises et respectueuses. Des échanges difficiles, un ton rude, une absence de retour d’appel, etc. peuvent, en effet, générer un sentiment d’injustice et nuire à l’acceptabilité de la décision qui sera rendue.

Les représentants de l’administration doivent donc :
•  Être à l’écoute : prendre le temps de réellement écouter et comprendre ce que vous dites. L’écoute active requiert parfois que des précisions vous soient demandées.
• Être courtois et toujours demeurer polis : si requis, l’administration doit modifier son approche pour tenter de désamorcer le conflit. Les fonctionnaires ont également droit à votre respect, même si vous ne partagez pas leur point de vue. Le respect doit être mutuel : cette exigence n’est pas négociable.
• Être raisonnablement accessibles : les fonctionnaires doivent se rendre disponibles pour vous communiquer de l’information complémentaire pertinente, répondre à vos questions et faire les suivis nécessaires. Cela ne veut toutefois pas dire qu’ils vous rencontreront à chaque fois que vous le demandez.
• Être honnêtes et transparents pendant tout le processus : si besoin, les règles applicables doivent vous être expliquées. Les fonctionnaires ne doivent pas vous induire en erreur sur ce que le décideur peut ou ne peut pas faire ; et, surtout, ils ne doivent pas cacher d’information.

Gardez en tête que personne n’est infaillible ! Des erreurs ou des écarts peuvent survenir : l’important est de les reconnaître et de corriger rapidement le tir.

Équité sur le fond

La décision qui vous concerne doit être juste et raisonnable. Cela veut dire, entre autres, que :

• La décision doit être prise par une personne qui a l’autorité de la rendre.
• La décision ne doit pas omettre de faits pertinents importants ni être fondée sur une absence de preuve.
• La décision ne doit pas être discriminatoire.
• L’interprétation des règles doit être raisonnable au regard des faits et du droit.
• La décision doit être cohérente avec une pratique constante et uniforme.
• Lorsque deux interprétations différentes sont acceptables, l’administration devrait privilégier celle qui donne le résultat le plus équitable.


Comment juger du caractère raisonnable d’une décision ?

Selon la Cour suprême du Canada[1], « Une décision raisonnable est à la fois fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et justifiée à la lumière des contraintes juridiques et factuelles qui ont une incidence sur la décision. […]
[Le] « caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur administratif — […] inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu » 
(emphase ajoutée)

Les limites de l’équité

Pour invoquer les protections de l’équité décisionnelle, il faut que la décision concernée vous affecte personnellement.
L’administration municipale prend quotidiennement des décisions d’intérêt général. Le simple fait que vous ne soyez pas d’accord ou que cette décision ait un impact sur vous ne veut pas forcément dire qu’elle est injuste.
Les principes d’équité ne vous dispensent pas de l’obligation de vous renseigner sur vos droits et obligations et de déployer les efforts nécessaires pour présenter un dossier complet. Certains types de demandes peuvent requérir que vous ayez recours aux services de professionnels (architectes, ingénieurs, entrepreneurs, avocats, etc.) : cela demeure votre responsabilité.
Vous ne pouvez pas non plus invoquer les principes d’équité pour ne pas avoir à respecter une loi ou la réglementation, au motif que d’autres citoyens ne s’y conformeraient pas.
Rappelons, finalement, que l’équité n’est pas toujours synonyme d’un traitement identique ou d’une répartition égale. Pour obtenir un résultat qui est juste, l’administration doit parfois ajuster son approche et tenir compte des circonstances particulières du dossier.
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[1] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, par. 83 et 98.